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par Geoff Wright

Dans les coulisses de la Modélisation de Circuits Intelligente (ICM) de GUITAR RIG 6

Découvre comment cette technologie de pointe utilise les réseaux neuraux et les algorithmes pour faire chanter les amplis de guitare.

Si tu suis un peu l’actualité de la tech, tu es très certainement au fait du récent impact de l’apprentissage machine. Des alertes de trafic aux traductions, tout un éventail d’outils alimentés par l’IA sont en train de redéfinir le champ des possibles dans de nombreux secteurs.

La création musicale, toutefois, a souvent résisté à adopter de manière unanime les nouveaux changements technologiques – en atteste le débat « analogique contre numérique » qui fait rage encore aujourd’hui parmi les producers (et en particulier ceux qui jouent de la guitare). Bien que le marché soit inondé de versions numériques de circuits analogiques, de nombreux chefs de file affirment que peu de ces recréations sont capables de restituer la chaleur et le caractère de leurs homologues matériels.

Conçue par les ingénieurs logiciels Boris Kuznetsov, Fabian Esqueda et Julian Parker, la Modélisation de Circuits Intelligente (ICM) représente le croisement quelque peu improbable de ces deux domaines. Il s’agit d’une technique qui entraine les réseaux neuraux artificiels à générer des algorithmes qui reproduisent le fonctionnement interne du matériel analogique dans les moindres détails.

La récente sortie de GUITAR RIG 6 PRO a introduit Bass Invader, Chicago, et Fire Breather, les premiers amplis construits avec cette nouvelle technologie. Nous sommes donc allés à la rencontre de l’équipe de développement pour en savoir plus.

Le passé

Afin d’apprécier pleinement la singularité de la technique ICM, il est utile d’examiner certaines méthodes plus traditionnelles de modélisation de circuits. Ces dernières peuvent être globalement classées en deux catégories : « boîte noire » et « boîte blanche ».

« Dans un modèle de circuit ‘boîte noire’, on ne va se soucier vraiment que des entrées et des sorties, davantage que ce qui se passe entre les deux « , explique Julian. « On cherche à reproduire la façon dont un son est affecté, sans se soucier de la réelle mécanique qui produit cet effet.  »

Fabian ajoute, « tu pourrais construire des approximations des différents éléments qui composent le circuit à l’intérieur de l’ampli, comme un préampli, de la distorsion à lampes, ou encore du filtrage par exemple, puis les combiner. Le problème, c’est que tu ne captures pas vraiment la façon dont ces différents éléments interagissent les uns avec les autres.  »

Toutes les commandes de tonalité, les lampes et d’autres parties qui composent un ampli matériel ont des relations physiques entre elles qui rendent son caractère unique à l’ampli. Ces relations évoluent et changent continuellement, en fonction du type de son joué, mais aussi des réglages des différentes partie de l’ampli. Il est très difficile de reproduire ces relations et ces comportements en détail, ce qui signifie que des éléments cruciaux du son peuvent être perdus.

« Avec la modélisation de circuit ‘boîte blanche’ c’est le contraire », poursuit Julian. « Elle se concentre exclusivement sur la reproduction d’un processus, ce qui nécessite une compréhension beaucoup plus approfondie du mécanisme qui le sous-tend. Mais faire une simulation de circuit complet d’un ampli de guitare de manière traditionnelle représente un énorme travail, et extrêmement spécialisé qui plus est. Cela peut prendre des mois »

De plus, comme le souligne Fabian, la théorie et les schémas ne restituent pas toujours toutes les infos sur la façon dont les équipements matériels sonnent. « Même après avoir fait tous les calculs, les équations qui montrent comment un ampli a été conçu ne décrivent pas toujours la façon dont il sonne. Deux synthés analogiques de la même marque et du même modèle peuvent avoir leur propre caractère un peu différent, même s’ils ont été conçus de manière identique. C’est la beauté du hardware »

Julian le dit simplement : « Quand on parle de choses comme les lampes par exemple, les modèles mathématiques à eux seuls ne sont pas toujours suffisamment bons ».

Ainsi, quelle que soit la manière dont on s’y prend, les formes traditionnelles de modélisation de circuits ne sont pas vraiment à la hauteur lorsqu’il s’agit de saisir les caractéristiques qui rendent un appareil analogique unique. Maintenant, entrons dans la Modélisation Intelligente des Circuits.

Le présent

« Le développement de l’ICM a commencé fin 2017, lorsque nous travaillions sur DIRT de la série d’effets CRUSH PACK », explique Julian. « Le processus de modélisation du circuit qui a inspiré DIRT impliquait cette équation mathématique particulièrement complexe que l’on ne pouvait pas résoudre directement. Comme c’est souvent le cas, pour aller de l’avant, nous avons dû itérer – en d’autres termes, faire une estimation éclairée sur la réponse au puzzle, et continuer à affiner cette hypothèse jusqu’à ce que l’on ait quelque chose qui fonctionne. C’est à ce moment que nous avons eu l’idée de former un système d’apprentissage automatique pour qu’il fasse ce processus à notre place ».

« À partir de là, nous avons développé la technique pour modéliser des équations entières, et pour finir, des circuits entiers », poursuit Fabian. « À ce stade, nous avons réalisé que nous étions en train de faire quelque chose de vraiment innovant, alors nous avons décidé de publier notre travail officiellement, et de faire une demande de brevet dans le même temps ».

L’équipe a publié ses recherches en septembre 2019, lors de la 22è Conférence Internationale sur les Effets Audio Numériques à Birmingham, au Royaume-Uni. Les scientifiques peuvent accéder à l’intégralité de leurs conclusions dans ce document universitaire.

À l’origine, le cœur de notre recherche portait sur l’émulation d’un filtre de synthé et de quelques unités de distorsion, mais une fois que la dynamique pour GUITAR RIG 6 PRO était lancée, il nous semblait logique d’appliquer cette nouvelle technologie aux amplis de guitare. Le développement du projet s’est poursuivi en 2020 et son avancée aurait pu être stoppée par la pandémie du Coronavirus, mais Boris a construit un laboratoire dans son appartement pour poursuivre le travail, partageant son espace de vie avec lampes, condensateurs et fils d’amplis classiques et boutique démontés.

« Boris était le vrai héros pendant cette période », dit Fabian. « Il a fait beaucoup de mesures tout seul pendant l’on était tous en confinement. Sans cela, nous n’aurions jamais pu terminer le projet à temps pour le lancement ».

Boris explique un peu plus le processus : « Imaginons qu’on se rende d’un point A à un point B sur une carte. On sait d’où on part, et où on veut aller, mais on n’est pas encore sûr des endroits qu’on va traverser en cours de route. Ainsi, en plus de l’entrée et de la sortie d’un ampli, nous effectuons des mesures électriques à différents points clés à l’intérieur de celui-ci, que nous appelons « états ». Ces états sont un peu comme ces points manquants sur la carte, et ils nous disent tout ce qu’on a besoin de savoir sur la dynamique du système électrique global ».

« Nous plaçons des capteurs et des appareils de mesure dans des amplis à haute tension pour collecter une foule de données – données d’entrée, données d’états et données de sortie », ajoute Fabian. « Une fois que nous avons toutes ces mesures, nous les transmettons au réseau neuronal artificiel que nous avons conçu. Comme nous savons déjà que les mesures que nous avons prises devraient produire un certain résultat, le logiciel peut alors chercher à trouver un algorithme qui concorde avec tous les chiffres. Pour commencer, il le fait en devinant, et même s’il est presque certain qu’il se trompera au début, il continue à affiner jusqu’à ce qu’il se rapproche de plus en plus. A la fin, il arrive à la solution que nous pouvons utiliser pour modéliser l’ampli ».

Grâce à la rapidité des unités de traitement graphique modernes, le programme que l’équipe a construit peut vérifier des milliers de solutions potentielles en même temps, en une fraction de seconde. Néanmoins le réseau neural a besoin de plusieurs semaines pour générer l’algorithme final pour chaque amplificateur, cela représente un énorme travail. Le développement de l’apprentissage machine en tant qu’outil a commencé dans les années 50, mais ce processus n’est possible que depuis les dernières années, grâce à des ordinateurs de plus en plus puissants.

Fabian explique : « Bien qu’il y ait eu énormément de recherche sur les émulations de circuits analogiques au fil des ans, l’apprentissage machine n’est devenu un vrai sujet dans notre domaine que récemment. Il s’agissait donc pour nous d’être au bon endroit au bon moment ».

Comment l’ICM affecte-t-il le son des amplis ? Julian se penche sur cette question essentielle : « Les anciennes techniques de modélisation nécessitaient un long process de réglage et d’ajustement pour obtenir un son parfait. L’algorithme mis au point par le système d’apprentissage machine est si précis que nous n’avons plus besoin de le faire. C’est la grande différence ».

« En fait, le réseau neural va identifier des aspects du caractère de l’ampli que nous pourrions ne pas remarquer », ajoute-t-il. Nous avons même rencontré des ‘problèmes’ avec nos émulations d’ampli, comme le feedback à certaines fréquences par exemple, pour découvrir que le véritable ampli fait la même chose en fait. Il serait juste impossible de programmer une chose de la sorte exprès, et la réalité c’est que l’algorithme détectera des centaines d’autres imperfections similaires ».

Comme l’observe Julian, c’est sans doute ces caractéristiques imprévisibles qui créent la vraie magie du matériel analogique. « Lorsqu’un équipement réagit de façon intéressante à quelque chose, alors qu’il n’a pas été conçu pour le faire, c’est là que les choses deviennentt passionnantes. »

Autrement dit, l’ICM capte toute la chaleur, le punch, le grain – et plus encore – des amplis de guitares classiques, et les recrée avec un niveau de précision sans précédent.

Le futur

GUITAR RIG 6 PRO est désormais disponible avec trois nouveaux amplis modélisés par l’ICM mais le projet ne s’arrête pas là, ce n’est que le début d’une nouvelle série d’émulations de très grande qualité.

« Comme nous n’avons pas à faire tous les calculs et les ajustements nous-mêmes, nous pouvons effectuer d’autres mesures sur les amplis et circuits pendant que le réseau neural fait son travail », souligne Fabian. « Nous pouvons avoir tellement plus d’amplis dans le pipeline qu’avant, et c’est vraiment passionnant pour les utilisateurs de GUITAR RIG 6 PRO ».

« Nous ne voulons pas faire ‘que’ des amplis de guitare non plus », révèle Julian. « Nous travaillons actuellement sur un nouvel ampli, mais après cela nous allons probablement faire quelques pédales de distorsion, puis nous chercherons à faire des filtres de synthé, des compresseurs, des égaliseurs, des préamplis… bref, tout ce qui sonne bien ».

Au-delà de cela, l’équipe n’entend pas limiter l’usage de l’apprentissage automatique à l’ICM. Jusqu’alors il a été incroyablement efficace pour réaliser des émulations numériques d’équipements analogiques très recherchés, mais les principes fondamentaux de la technologie développée par l’équipe peuvent être appliqués dans un grand nombre d’autres contextes. Fabian expose une vision audacieuse pour l’avenir : « Ce n’est vraiment qu’un début. Nous avons acquis beaucoup de compétences et de connaissances en développant cette technique. Nous avons le potentiel de la mettre à profit d’autres produits NI dans le futur ».

 

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